samedi 29 décembre 2012

Emilien DESVALS - 20 ans


Portrait peint, réalisé après Guerre pour les parents d'Emilien

La classe 1916

 Cette classe, appelée en renfort et par anticipation en avril 1915, compte 4 hommes de Castelsagrat. Nous avons déjà fait la connaissance de Georges DUHARD. Nous avons aussi rencontré Omer CONDIS petit fils de Marie PIGNOLE (cf. Antonia, Anne et Marie Pignole). Nous allons aujourd’hui à la rencontre d’Emilien DESVALS.

Premier enfant de Jean Frédéric dit Léon DESVALS et d' Emilie HEBRARD, Emilien naît à Saint-Paul-d’Espis le 31 décembre 1896. Le couple aura un second fils, Joseph dit Léonce, le 14 août 1909. En septembre 1913, la famille achète une propriété sur Castelsagrat, à Lasbordes, mais ne s’y installera qu’après plusieurs mois de travaux au cours de l’année 1917.

<== (Portrait peint après guerre pour les parents d'Emilien, photo Simonne Lagnes-Desvals)


1m57, blond aux yeux bleus, Emilien passe au conseil de révision sur le Canton de Moissac. « Bon pour le service armée », il est incorporé au 15e Régiment d’Infanterie d’Albi le 12 avril 1915. La fiche matricule nous donne ses trois affectations.
Extrait Fiche Matricule n°28 classe 1916 - Archives de Montauban

La Champagne

Il fait ses classes au 15e RI et a probablement eu son « baptême du feu »  l’été suivant lors de la bataille de Champagne, il a alors 18 ans ½. Beauséjour, Somme-Bionne, l’attaque du Mont Têtu. Entre le 25 septembre et le 5 octobre 1915, 962 hommes du régiment seront touchés, dont 326 tués ou disparus. Les relèves en première ligne se font de nuit. Après des jours de combats, les hommes profitent d’un peu de repos à l’arrière, tente de dormir un peu malgré le bruit des canonnades tout proche et écrivent à leurs famille. La guerre s’enlise dans les tranchées. L’hiver passe d’une relève à une autre. Un premier hiver pour les jeunes recrues de la classe 1916, la pluie, le froid, la boue, la vermine, la peur et la mort au bout de chaque boyau.

La Forêt d’Argonne

Le 1er avril 1916, Emilien DESVALS passe au 76e Régiment d’Infanterie, 10e Division d’Infanterie. Il y reste 4 mois. Il est un peu plus à l’Est dans le même secteur de Sainte-Ménehoud, les Islettes, la forêt d’Argonne. Sous un déluge d’obus - de part et d’autres des deux camps - les hommes se retranchent dans des sapes, creusées et souvent remplies d’eau, parfois à seulement quelques mètres de l’ennemi. Les hommes font 6 jours en premières lignes, 6 jours en réserve où ils travaillent sur les ouvrages (tranchées, abris), 6 jours de repos, un peu plus en retrait, mais loin de la vie civile et des habitations. Au loin, on entend gronder la bataille de Verdun (déclenchée par les Allemands en février).


Ouvrage de Bezonvaux (Photo Andréas LIEBOLD)


Verdun - BEZONVAUX

Le 26 septembre 1916 Emilien passe au 411e Régiment d’Infanterie (1) Ce régiment est alors en pleine bataille de Verdun. Il est affecté à la 3e compagnie de mitrailleuses.
Un deuxième hiver se prépare. Celui de Verdun. Dans la boue, les entonnoirs. 8 millions d’obus allemands entre février et mars, et bien d’autres encore des deux côtés belligérants, ont depuis dévasté, nivelé le terrain. Les hommes avancent au milieu des trous d’eau, des débris de toutes sortes et des cadavres. L’offensive débute le 17 octobre. Le fort de Douaumont est repris le 25 octobre. Après le « nettoyage » par l’artillerie lourde, les fantassins attaquent baïonnette au fusil, au corps à corps. L’ouvrage de Bezonvaux est repris aux Allemands le 15 décembre 1916.
Le 31 décembre, Emilien a 20 ans.  le 76e régiment est encore aux abords de Verdun (Belleville, Jardin-fontaine). Ce n’est que début février qu’il se positionne sur le fort de Douaumont et les ouvrages à proximité
Le 17 février 1917, à 17 heures, Emilien est déclaré tué à l’ennemi par l’effondrement de son abri à Bezonvaux. Voici deux textes relatant cet évènement.

JMO 305e Brigade - 26 N 549/10 - le 17 février 1917


« Au cours d’un bombardement de l’ouvrage de Bezonvaux, un obus de 210 provoque la chute d’une dalle de ciment sur un dépôt de munitions situé dans la casemate Nord. Un incendie s’allume aussitôt entraînant la mort d’une grande partie des occupants de l’abri.
Les pertes qui affectent la 11e Cie du 411e et la 3e Cie Mitrses s’élèvent à
1 officier tué (sous-lieutenant HOUMEAU)
1 officier blessé (sous-lieutenant MORINEAU)
1 aspirant tué
19 tués et 9 blessés.
Ces munitions trouvées dans cette casemate lors de la relève n’ont pu en être évacuées faute d’abris disponible et les rigueurs de la température n’ont pas permis de laisser utiliser la place disponible pour le logement des hommes.
Le II/412 relève dans la nuit le III/411 conformément à l’ordre n°64613 »

123e Division d’Infanterie - JMO /26 N 424/3 - le 17 février 1917.


« Après un bombardement intense et presque continu du verger de Bezonvaux, durant toute la matinée du 17, bombardement renforcé à partir de 13 h 30 par des torpilles de gros calibre, l’ennemi attaque vers 14 heures, le P.P du Verger, bouleversé, et dont la garnison a subi des pertes. Les allemands réussissent à pénétrer dans le P.P et s’avancent à 100 mètres au sud. Ils sont arrêtés par nos mitrailleuses et nos fusils mitrailleurs. Sous la protection d’un tir d’artillerie encadrant le P.P, une contre-attaque rejette l’ennemi, qui semble avoir subi des pertes.
Entre 15 h 30 et 16 h, un obus fait sauter le dépôt de munitions et d’artifices de l’ouvrage de Bezonvaux. Un abri de troupe prend feu ; malgré les efforts des unités voisines, sous les ordres du sous-lieutenant MORINEAU - qui réussissent à sauver une dizaine de blessés – le S/Lieutenant HOUMEAU, l’aspirant MARTEL et 19 hommes sont carbonisés dans la casemate incendiée. » (2)

Il semble que le journal de la Brigade tente de justifier la présence d’un dépôt de munitions dans l’abri de troupe, tandis que le journal de la division, lui insiste sur le rôle du Sous-Lieutenant MORINAU qui permis avec ses hommes, le sauvetage d’une dizaine d’hommes. Cet évènement montre une fois de plus l’incompétence des hauts gradés et le peu de cas qu’ils pouvaient faire de la protection et de la vie d’un homme de troupe.
Emilien a 20 ans et 2 mois.

<== (Abri de troupe à Bezonvaux Photo Andréas LIEBOLD)
L’acte de décès a été rédigé par Prosper AUGAGNEUR, sous-lieutenant chargé des détails officiers de l’état civil, sur la déclaration de HATTEREAU Marcel, soldat brancardier et de HUOT Charles soldat, tous trois du 411e Régiment, 3e compagnie de mitrailleuses. Ils ont procédé à l’identification du corps et l’ont probablement inhumé dans le cimetière attenant l’ouvrage de Bezonvaux. Les incessants bombardements, la destruction totale du village et de ses alentours, n’ont pas permis à la famille de récupérer le corps ni même d’en connaître le lieu exacte d’inhumation.



Médaille Militaire et Croix de Guerre avec distinction
(photo Simonne Lagnes-Desvals)

*****

Plaque - Eglise de Castelsagrat
Mais, me direz-vous, Emilien DESVALS ne figure pas sur le Monument aux Morts de Castelsagrat ! En effet, malgré les demandes de son jeune frère, devenu par la suite Conseiller Municipal de Castelsagrat, il ne fut pas ajouté au monument car déjà présent sur celui de Saint-Paul-d’Espis, commune de naissance et dernier domicile légal du jeune soldat. Pourtant il n’est pas rare de trouver un même soldat sur plusieurs monuments mais dans le cas présent, la commune a respecté les consignes permettant d’éviter ces doublons. On peut donc penser que le Monument de Brassac a été érigé après celui de Castelsagrat, y trouvant gravé Ernest PELLAQUIE, de même pour le monument de Bourg-de-Visa avec les inscriptions de Joseph RAFFY et de Mathurin LIMAYRAC.
Emilien DESVALS n’a pas été oublié pour autant sur la commune. Il est inscrit sur la plaque commémorative de l’Eglise Notre Dame, au cœur du village.
*****
Un siècle plus tard la famille reste toujours implantée sur la commune. Son frère, Joseph (1909-1995), père de 3 filles,  créera en 1979, le premier club du canton des aînés ruraux « Les Chênes verts » dont il sera président. Flambeau repris depuis 2003 par sa fille aînée, Monique, toujours domiciliée dans la propriété familiale de Lasbordes. La seconde fille, Simonne vit à Valence d’Agen. La dernière fille, Odile vit à 500m de son aînée. Une fois n’est pas coutume, je vous renvoi à la Généalogie DESVALS établi par Simonne sur Généanet (Cliquer ici). Rechercher dans cet arbre, André DESVALS (1902-1943) fils de Jean dit Gentil DESVALS - cousin germain d’Emilien - mort en déportation à l’âge de 41 ans.


  
  • (1) Le 411e régiment d’infanterie fait partie de la 305e brigade et de la 123e Division. En l’absence de JMO du 411e Régiment, mes recherches se sont portées sur ceux de la brigade et de la Division.

  • (2) Les soldats identifiés tués le 17 février 1917 à Bezonvaux.
    • - Georges Eugène Marcel MARTEL, aspirant, 11e Compagnie, Classe 1916, 20 ans, né le 17 octobre 1896 à Setques dans le Pas de Calais.
    • - HOUMEAU Gustave, sous-lieutenant, classe 1899, 38 ans, né le 11 novembre 1879 à Aigonnay dans les Deux Sèvres.
Sources
 
Site SGA MdH –Fiche individuelle des soldats Mort pour la France. - Journaux de Marches et Opérations 305e Brigade, 10e et 123 divisions, 15e et 76e Régiments d’Infanterie.
Archives départementales de Montauban (Etat civil, fiche matricule).
Ouvrage de BEZONVAUX
Le Chtimiste – La bataille de Verdun
Castelsagrat, « Les Chênes Verts », les 30 ans d’un club européens. (La dépêche)

Photos ouvrage de Bezonvaux et abri : Andréas LIEBOLD
Photos portrait et médailles d'Emilien DESVALS : Simonne LAGNES-DESVALS
Photos plaque de l'Eglise et Monument au Morts de St Paul d'Espis, fiche matricule  : Ch. BEZGHICHE

Sites à visiter
Ouvrage de Bezonvaux. Site allemand « BEZONVAUX » d'Andréas LIEBOLD.
Ouvrage de BEZONVAUX, site Fortiffsere – de Cédric et Julie VAUBOURG.
Le Chtimiste – La bataille de Verdun


Un grand merci à Simonne LAGNES – DESVALS (nièce d’Emilien) pour ses mails
& son aide pour cet article.
Ainsi qu'à Andréas LIEBOLD pour ces mails en français
et ses photos de l'ouvrage de Bezonvaux.

MaM St Paul d'Espis - Fiche SGA Mémoire des Hommes

3 commentaires:

regissierra a dit…

très instructif !

regissierra a dit…

je ne ne l'ai pas vu mais je crois par exemple que mon ancêtre toueille est à la fois sur le monument aux morts de castelsagrat et de malause

chalou a dit…

Célestin TOUEILLE était ouvrier agricole et domicilié dans la Famille DESVALS à St Paul d'Espis sur le recensement de 1911 (juste avant son mariage). Marié à une jeune fille de Malause, domicilié à Castelsagrat en 1914, il figure en effet sur ces deux dernières communes.